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Air France - L’A380 tire sa révérence. État des lieux et Perspectives : notre analyse et infographie

Dernière mise à jour : 26 juil. 2020

Paris le 26 mai - Olivier Joffet & Christophe Chouleur


Pressentie depuis quelques mois Air France a annoncé la semaine passée la sortie anticipée et définitive de la totalité de sa flotte d’Airbus A380. Déception pour certains, choix rationnel pour d’autres, Ben Smith a le mérite d’avoir tranché le sujet dans un contexte de crise imposant plus que jamais de se positionner clairement en matière de choix stratégiques. Loin d’être la seule compagnie à questionner le futur du 380, d’autres majors s’interrogent quant au maintien de leurs exemplaires en service.

Gate 7 a réalisé cette semaine une infographie vous proposant un tour d’horizon des Airbus A380 encore en exploitation à travers le monde, revient sur la carrière du Super Jumbo au sein d’Air France et vous présente les routes et compagnies sur lesquelles vous pourrez encore voler dans cet appareil mythique, n’ayant malheureusement pas connu le succès espéré lors de son lancement.

L’A380, prouesse technique, mais échec commercial

Le plus gros avion de transport civil a effectué son premier vol le 27 avril 2005 et son premier service commercial a été effectué le 25 octobre 2007 par Singapore Airlines qui fut la compagnie de lancement.

Très apprécié des passagers pour ses dimensions impressionnantes et son silence, le quadriréacteur n’a rencontré chez les compagnies qu’un succès limité ; pour preuve aucun des quinze opérateurs de l’A380 n’a acquis plus de 24 exemplaires de l’appareil, à l’exception d’Emirates qui a été cliente de près de la moitié des appareils produits.

Cette trop forte dépendance à un seul client n’aura d’ailleurs pas permis à Airbus de proposer de V2 de son gros porteur ; entre négociations commerciales, opposition des exploitants aux plans de l’avionneur, motorisations insuffisantes, ou version Cargo n’ayant recueilli quasiment aucun suffrage…

Cela dit, cet échec commercial peut s’expliquer ; le COVID-19 n’ayant joué que le rôle de fossoyeur pour un appareil dont on savait déjà depuis quelques temps qu’il ne serait pas immortel, l’officialisation de l’arrêt du programme il y’a un an en étant le plus retentissant rebondissement. Toutefois, saluons l’héritage du Programme 380, sans qui le développement de nombreuses technologies n’aurait pu voir le jour et base de départ des programmes A350 et A330-NEO.


La certification ETOPS, briseuse de rêves

A son lancement en 2005, les quadriréacteurs bénéficiaient d’un avantage sur les biréacteurs. Ces derniers, par leur nombre de moteurs, pouvaient s’éloigner à plus de 3 heures de vol des terrains ou côtes les plus proches.

Toutefois, la donne a rapidement changé. Poussées par un prix du carburant allant à la hausse, les compagnies se sont tournées vers les constructeurs afin de leur demander des biréacteurs pouvant s’éloigner aussi loin que les quadriréacteurs, et ainsi de bénéficier d’avions plus performants et moins consommateurs en carburant. Demande exaucée, constructeurs et motoristes ont mis au point ces dernières années les plus gros moteurs, les plus puissants et les plus économes en carburant de toute l’histoire de l’aviation. Ainsi, la certification ETOPS s’est étendue au fur et à mesure des itérations, passant de 3 à 7 heures. Dès lors, « ite missa est » pour les quadriréacteurs qui avaient de facto perdu leur principal avantage compétitif dans un marché où les perspectives pour les très gros porteurs se sont rapidement révélées moins importantes que ne les avaient estimés Airbus, phagocytées par l’arrivée sur le marché d’appareils de dernière génération moins gourmands en carburant et plus respectueux de l’environnement.

Un appareil arrivé trop tôt pour les aéroports…

Lors de son lancement, l’A380 a rapidement eu les ailes à l’étroit. Rappelons-nous… Combien d’aéroports ont dû mettre à niveau leurs infrastructures en catastrophe pour accueillir l’A380 ? L’apothéose ayant lieu lors des Jeux Olympiques de 2016 où le Brésil s’est avéré incapable d’accueillir les A380 que les compagnies détentrices souhaitaient offrir à leurs clients pour se rendre aux Jeux.

Conçu comme un appareil destiné aux compagnies de « hubs », opérant de gros volumes en long courrier, l’A380 n’a une fois de plus pas été au rendez-vous. Pas de sa faute sur ce coup, mais davantage à la structure du marché aérien ne permettant qu’une exploitation limitée dans les conditions prévues par ses concepteurs.

Casse-tête pour les compagnies, surtout les européennes qui souhaitaient faire de leurs A380 des flagships, ces dernières n’ont qu’à de trop rares occasions trouvé les bonnes conditions pour exploiter le Super Jumbo. Sur ce point, mention pour Emirates qui aura été la seule compagnie à avoir trouvé la bonne alchimie pour exploiter correctement ses gros porteurs.


Le casse-tête des opérations avec le 380

Pâtissant d’une demande globalement trop faible à l’année, ou d’exploitation rentable uniquement en haute saison, la plupart des exploitants ont tâtonné pour trouver le terrain de jeu de leurs sous-flottes d’A380. Exploités sur des routes souvent trop courtes pour opérer l’appareil de manière optimale, les compagnies se sont progressivement résignées à voir leurs Super Jumbo passer plus de temps que prévu au parking, se posant au passage la question de leurs réels besoins en A380 dans l’immédiat. La demande en ligne sur lesquelles est exploité l’A380 justifie t’elle systématiquement l’usage du gros porteur ?...

A cela s’ajoute les complexités opérationnelles sur les plateformes. L’avitaillement des 380 aura été certainement le facteur le plus visible pour la clientèle. Plus gros avion civil au monde, ses dimensions hors normes nécessitent des protocoles opérationnels à son image. Allongement des Turn Around, des opérations de fueling, de disposition de la cabine, etc… In fine l’A380 a obligé les compagnies à faire face à des contingences énormes en opérations dès lors que l’A380 était opéré, afin de garantir des départs à l’heure et conformes à la promesse vendue à ses plus fidèles clients. In fine, le Super Jumbo s’est progressivement transformé en cauchemar pour nombre d’exploitants, renforcé par une facture en exploitation ayant fait grincer des dents dans les états-majors.



L’ A380, talon d’Achille du Long Courrier Air France

Malgré le plébiscite reçu des clients pour son silence et son espace à bord -- notamment au pont supérieur -- l’A380 n’a malheureusement pas été équipé d’une cabine à la hauteur de son prestige.

L’appareil dont l’arrivée a été fêtée en fanfare reste un rendez-vous manqué pour la compagnie française, celle-ci n’ayant choisi d’équiper les cabines avec un produit répondant aux aspirations du marché au moment du lancement de l’appareil. Avec des classes La Première et Business rapidement dépassées, puis désavouées par l’arrivée des cabines Best, une décision devait être prise : soit un rétrofit couteux des cabines, soit un abandon de l’appareil, ne répondant ni aux exigences du marché, ni à celles des voyageurs fréquents.

La compagnie avait envisagé un temps de configurer les A380 avec de nouvelles cabines plus modernes mais l’idée a vite été abandonnée pour des raisons économiques. Il n’en reste pas moins que de nombreux passagers sont très attachés à l’A380 et regretterons son départ de la flotte d’Air France.

Une flotte plus moderne et homogène

Avec le retrait anticipé des 9 Airbus A380 restant en flotte – les appareils étant stockés pour l’heure sur CDG, Tarbes et Terruel en Espagne-- Air France met fin à une histoire commencée en 2000 lors de la signature d’une lettre d’intention pour l’achat de 10 A380 (avec une option pour 4 appareils supplémentaires), qui sera confirmé l’année suivante en contrat définitif pour 10 appareils lors du salon du Bourget.

Dans le malheur de la disparition du Super Jumbo de la flotte française, voyons tout de même l’opportunité d’écrire le futur d’Air France avec un réel Vaisseau Amiral, trouvant toute sa place au sein d’une flotte plus rationnelle et permettant à la compagnie d’offrir un produit à la hauteur des plus hauts standards du marché, et des attentes des passagers.

Nul doute que Ben Smith, Anne Rigail et Angus Clarke fassent le bon choix entre les versions de l’Airbus A350 ou du Boeing B787 pour remplacer l’A380. Ces appareils reprendront le flambeau et offriront très certainement une flexibilité accrue des opérations permettant à Air France de ressortir plus forte de cette crise qu’elle ne l’aurait été si elle avait conservé le Super Jumbo.

La prochaine sortie de flotte des B777-200 se profilant -- ces derniers atteignant déjà les 20 ans pour les coques les plus anciennes --la question du renouvellement de la flotte long-courrier est certainement déjà sur la table chez Air France-KLM. Il y’a fort à parier que nous pourrions assister prochainement à des commandes d’A350 et/ou de B787 pour remplacer des appareils vieillissants afin d’homogénéiser et rationaliser la flotte. Gageons enfin que les 777-300ER resteront encore un peu, pouvant même être remplacés à terme par des 777X si des « upscales »en lignes s’avèrent nécessaires une fois que le trafic aérien aura repris des couleurs d’ici quelques mois.


Visualisez en un clin d’œil les compagnies et les routes sur lesquelles vous pourrez continuer à voler avec l’A380, sous réserve de la reprise des vols par les compagnies après la pandémie de COVID19.







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