Gate7 partage avec vous l"article paru dans Finance News Hebdo du 27 juin signé B.Chaou pour lequel notre expert Olivier Joffet a été consulté.
Le Maroc a plusieurs cartes en sa faveur qui doivent lui permettre de continuer à être un acteur régional majeur.
Le secteur aéronautique connaitra de grands changements durant les années à venir, tant sur les plans industriels que stratégique.
L'aéronautique est l'un des secteurs les plus impactés par cette crise. Sa chaîne de valeur dans son ensemble n'a guère été épargnée, allant des compagnies aériennes jusqu'aux constructeurs aéronautiques. Afin de minimiser l'impact de cette crise, des plans de restructuration, accompagnés du soutien gouvernemental, ont été tout récemment annoncés.
En France, l'Etat a initié un plan d'aide doté d'une enveloppe de 15 milliards d'euros dédiée à la relance du secteur. Mais la contrepartie serait, entre autres, la relocalisation vers la France de certaines de leurs activités vers la France ainsi que l'orientation vers la construction d'avions moins polluants pour la réduction d'émission de gaz à effet de serre.
Etant fortement lié à l'industrie aéronautique française et européenne de manière générale le Maroc demeure concerné par ce revirement stratégique.
Le Maroc a des cartes à jouer
Interrogé sur l'impact de la relocalisation et du nouveau plan d'aide de l'Etat français en faveur du secteur, Airbus nous a confié qu'il est aujourd'hui trop tôt pour estimer les retombées de ces nouveaux paramètres sur la stratégie, et de l'impact que cela aura sur ses sous-traitants.
La position du Maroc est néanmoins claire aujourd'hui : rester le partenaire fidèle de l'Europe et récupérer certaines activités qui pourraient être délocalisées des autres pays, notamment de la Chine. D'ailleurs le ministre de l'Industrie, du Commerce et de l'Economie verte et numérique, Moulay Hafid Elalamy, a dit dans une récente interview diffusée sur Euronews que " nous avons des capacités de production et d'ingénierie importantes qui peuvent être mises à contribution pour que l'Europe devienne encore plus compétitive, évidemment en récupérant une partie de ce qui se fait à l'extérieur.
Ainsi le Maroc a la volonté de conserver sur son sol l'ensemble des acteurs aéronautique déjà implantés. De plus, on imagine mal qu'un industriel tel qu'Airbus, présent au Maroc depuis plus de 50 ans, relocalise l'intégralité de sa chaine de valeur en France.
"En s'implantant à Casablanca, Airbus a été à l'initiative de la création de tout un écosystème aérospatial au Maroc (création d'emplois, recettes à l'export, développement d'une chaîne de valeur), entrainant l'implantation d'entreprises comme Safran, Daher, Figeac Aero qui se sont greffées à cette plateforme au fil du temps" nous explique Olivier Joffet, consultant en stratégie et spécialiste du secteur aérien.
"L'industrie aéronautique marocaine est aujourd'hui présente sur l'ensemble de la chaîne de valeur ( conception, ingénierie, assemblage, composants, matériaux, systèmes, sièges...) et permet de répondre à des enjeux cruciaux pour la production aéronautique, notamment via l'accélération des cadences de production dans un environnement requérant une haute technicité et employant des composants et matériaux parmi les technologies les plus avancées. Le portefeuille de pièces produites au Maroc est très large : panneaux de fuselage pour A320, nacelles, sièges, matériaux compotes , pièces pour maintenance.. ) poursuit-il. Il faut par ailleurs noter que le principe d'une relocalisation pose énormément de contraintes pour les constructeurs aéronautiques car le Maroc a pu se positionner en temps que partenaire stratégique et à forte valeur ajoutée en termes de coûts. La dépendance des constructeurs de l'écosystème mis en place dans le Royaume n'est donc pas façile à détricoter. Notre interlocuteur rappelle à cet effet que "dans le cas du Maroc, la qualité des produits, les connaissances et le savoir-faire acquis, la proximité géographique avec le Maroc et l'Europe et la structure des coûts, sont des atouts non négligeables pour poursuivre les activités déjà en place dans le pays".
Malgré ces paramètres en faveur du Maroc, le pays doit d'ores et déjà réfléchir à la manière de s'adapter aux nouvelles exigences européennes. Il reste primordial pour l'industrie marocaine de prendre en compte les nouveaux enjeux environnementaux économiques mais également organisationnels.
Une industrie diversifiée
Pour rappel, le secteur aéronautique au Maroc est constitué de 140 sociétés générant 17.500 emplois directs. Il représente un chiffre d'affaires à l'export de 1,9 milliard de dollars. Contrairement à ce que l'on peut penser, l'industrie aéronautique marocaine bénéficie d'un tissu industriel assez diversifié.
"Au delà de l'aviation civile, plusieurs industriels présents dans le pays, développent des hélicoptères ( parapublics, militaires, médicalisés... ), des avions de combat, des drones, des solutions de défense et/ou spatiales, typiquement le cas d'Airbus et Safran. Depuis quarante ans l'Etat marocain a aussi fait le choix d'équiper ses forces armées et de sécurité avec du matériel Airbus, hélicoptères par exemple. Le pays est l'un des Etats les plus équipés en Afrique et cette relation privilégiée entre l'Etat marocain et Airbus sera un atout pour la poursuite du développement de l'aéronautique au Maroc" déclare Olivier Joffet.
La seconde force réside dans la compagnie nationale marocaine. Effectivement la Royal Air Maroc est une compagnie majeure sur l'axe Europe - Maroc - Afrique de l'Ouest, générant d'importants trafics. Elle est devenue une compagnie de référence en Afrique du Nord et poursuit sa montée en qualité par son intégration récente au sein de l'alliance OneWorld, aux cotés de Qatar, British Airways ou American Airlines. Avoir une compagnie de taille permet sans aucun doute de soutenir l'industrie aéronautique du pays.
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